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2013-12-08T18:40:32+01:00

Trilby (Charles Nodier)

Publié par Folfaerie
Trilby (Charles Nodier)

Et voilà un conte fort sympathique, que j'ai choisi dans le cadre de l'un de mes cours de licence et que je propose du même coup pour ma première participation au challenge Ecosse. Auriez-vous oublié ce brave Charles Nodier ? Le pauvre homme ne suscite pas toujours l'enthousiasme des lecteurs, c'est bien dommage. C'était un Romantique, ami de Dumas et Hugo, qui avait eu la bienheureuse idée de tenir un salon littéraire très prisé à l'époque, le Cénacle. Dans le prologue de La femme au collier de velours, Dumas parle de Nodier en des termes très touchants.

L'écrivain était aussi un naturaliste passionné et amoureux de l'Ecosse qu'il avait eu l'occasion de parcourir. Tout pour me plaire en quelque sorte.

Ce Trilby est donc inspiré par le folklore écossais découvert au cours d'un voyage, et dit-il par une note d'un roman de Walter Scott, lui aussi grand oublié des lecteurs aujourd'hui.

Trilby est un lutin facétieux, se présentant sous les traits d'un enfant, puis d'un viril guerrier, et qui vit dans les cendres du foyer de Jeannie et son mari, le pêcheur Dougal.

Les lutins étaient tenus en haute estime, leur présence au foyer garantissaient une vie simple mais plus facile et plus heureuse car ils effectuaient les menus travaux indispensables à la prospérité de la maisonnée.

Trilby est heureux car il est amoureux de la belle Jeannie, laquelle se laisse parfois troubler par le lutin. Mais la jeune femme, écartelée entre son devoir et la passion qu'elle ressent pour Trilby, se laisse convaincre de faire appel à un moine, lequel prononcera contre le pauvre lutin une formule d'exorcisme. Car pour cet homme religieux, une manifestation du merveilleux est fatalement l'oeuvre du Malin.

Il n'est pas bien facile de déceler quelles furent les réelles intentions de l'auteur en écrivant ce très court conte. C'est une belle histoire d'amour tragique qui conduit Jeannie, après une lutte contre ses propres sentiments, à préférer la mort pour rejoindre son amant idéal et qui se peut se lire à plusieurs niveaux. Comme tant d'autres écrivains avant et après lui, Nodier évoque cette éternelle insatisfaction des rêveurs : la vie réelle, si prosaïque et souvent décevante est-elle finalement moins intéressante que la vie rêvée, celle des songes et de l'imagination ? Le christianisme (et là aussi c'est un thème souvent repris en littérature) a étouffé et cherché à faire disparaître les vieilles croyances, les divinités païennes et le Petit Peuple, nous privant ainsi d'une part de notre merveilleux, nous amputant d'une partie de notre pouvoir d'imagination. A vous de voir...

Mille ans ne sont qu'un moment sur la terre pour ceux qui ne doivent se quitter jamais.

Trilby (Charles Nodier)

À TRILBY, LE LUTIN D’ARGAIL.

Victor Hugo

À vous, ombre légère,
Qui d’aile passagère
Par le monde volez,
Et d’un sifflant murmure
L’ombrageuse verdure
Doucement esbranlez,

J’offre ces violettes,
Ces lys et ces fleurettes,
Et ces roses ici,
Ces vermeillettes roses.
Tout fraischement escloses
Et ces œillets aussi.
Vieille chanson.


C’est toi, lutin ! — Qui t’amène ?
Sur ce rayon du couchant
Es-tu venu ? Ton haleine
Me caresse en me touchant !
À mes yeux tu te révèles.
Tu m’inondes d’étincelles !
Et tes frémissantes ailes
Ont un bruit doux comme un chant !

Ta voix, de soupirs mêlée,
M’apporte un accent connu.
Dans ma cellule isolée,
Beau Trilby, sois bienvenu !
Ma demeure hospitalière
N’a point d’humble batelière
Dont ta bouche familière
Baise le sein demi-nu !


Viens-tu, dans l’âtre perfide,
Chercher mon Follet qui fuit,
Et ma Fée, et ma Sylphide,
Qui me visitent sans bruit,
Et m’apportent, empressées,
Sur leurs ailes nuancées,
Le jour de douces pensées,
Et de doux rêves la nuit !

Viens-tu pas voir mes Ondines
Ceintes d’algue et de glaïeul ?
Mes Nains, dont les voix badines
N’osent parler qu’à moi seul ?
Viens-tu réveiller mes Gnômes,
Poursuivre en l’air les atomes,
Et lutiner mes Fantômes
En jouant dans leur linceul ?

Hélas ! fuis !… Ces lieux que j’aime
N’ont plus ces hôtes chéris !
Des cruels à l’anathème
Ont livré tous mes Esprits !
Mon Ondine est étouffée ;
Et, comme un double trophée,
Leurs mains ont cloué ma Fée
Près de ma Chauve-Souris !

Mes Spectres, mes Nains si frêles,
Quand leur courroux gronde encor,
N’osent plus sur les tourelles
S’appeler au son du cor ;
Ma cour magique, en alarmes,
A fui leurs pesantes armes ;
Ils ont de mon Sylphe en larmes
Arraché les ailes d’or !


Toi-même, crains leur tonnerre,
Crains un combat inégal
Plus que la voix centenaire
Qui jadis vengea Dougal,
Dont la cabane fumeuse
Voit, durant la nuit brumeuse,
Sur une roche écumeuse,
S’asseoir l’ombre de Fingal !

Celui qui de ta montagne
T’a rapporté dans nos champs,
Eut comme toi pour compagne
L’Espérance aux vœux touchants.
Longtemps la France, sa mère,
Vit fuir sa jeunesse amère
Dans l’exil, où, comme Homère,
Il n’emportait que ses chants !

À la fois triste et sublime,
Grave en son vol gracieux,
Le poëte aime l’abîme
Où fuit l’aigle audacieux,
Le parfum des fleurs mourantes,
L’or des comètes errantes,
Et les cloches murmurantes
Qui se plaignent dans les cieux !

aime un désert sauvage
Où rien ne borne ses pas ;
Son cœur, pour fuir l’esclavage,
Vit plus loin que le trépas.
Quand l’opprimé le réclame,
Des peuples il devient l’âme ;
Il est pour eux une flamme
Que le tyran n’éteint pas !

Tel est Nodier, le poëte ! —

Va, dis à ce noble ami
Que ma tendresse inquiète
De tes périls a frémi ;
Dis-lui bien qu’il te surveille ;
De tes jeux charme sa veille,
Enfant ! Et lorsqu’il sommeille,
Dors sur son front endormi !

N’erre pas à l’aventure !
Car on en veut aux Trilbys.
Crains les maux et la torture
Que mon doux Sylphe a subis.
S’ils te prenaient, quelle gloire !
Ils souilleraient d’encre noire,
Hélas ! ton manteau de moire,
Ton aigrette de rubis !

Ou, pour danser avec Faune,
Contraignant tes pas tremblants,
Leurs Satyres au pied jaune,
Leurs vieux Sylvains pétulants
Joindraient tes mains enchaînées
Aux vieilles mains décharnées
De leurs Naïades fanées,
Mortes depuis deux mille ans !

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commentaires
B
Les histoires folkloriques sont toujours intéressantes :) ça a l'air d'être une bonne lecture !
Répondre

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