Après les poèmes sur les forêts, ceux qui ont pour thème la rivière ou le fleuve figurent parmi
mes préférés. Il se trouve que j'ai la chance d'habiter en un lieu situé à mi-chemin de la Loire et l'Allier dont le caractère sauvage n'est pas encore complètement perdu.
Une première sélection avec un poète canadien, suivi d'un écossais et d'un français. Je ne pouvais évidemment pas oublier cette magnifique chanson de Don Henley, inspirée par le livre de John
Graves, Goodbye to a river.
La rivière aux trois ponts
Du haut de la côte pelée
Je l'aperçus courant, marchant,
Sinueuse, dans la vallée,
En plein soleil ou se cachant
Derrière un arbre, son ombrelle,
Ou dans un rideau de millet ;
Et lorsque j'arrivai près d'elle,
Sur son gravier elle riait.
" Trois ponts, dit-elle, pour un mille
De ce grand chemin poussiéreux !
Les arpenteurs, gent incivile,
Lancèrent des mots furieux,
À me voir toujours dans leurs jambes.
Depuis ce n'est que des mamours.
À ma rencontre les yeux flambent,
Tellement plaisent mes détours.
" Et je vais. La vie est charmante
À se trotter ainsi partout :
Un troupeau de boeufs me fréquente,
J'aime à mirer leurs grands yeux doux.
Je reçois des moutons, des chèvres
Et même là-haut, dans le bois,
Ours et chevreuils, renards et lièvres
Causent un instant avec moi.
" Le long de mon itinéraire,
L'orge, le blé, le sarrasin,
Se succèdent pour me distraire.
Les butomes sont mon jardin.
Je vois la lune et les étoiles
Et m'amuse du ciel truqué
Que je deviens, les nuits sans voiles.
Mon bonheur est peu compliqué.
" Le vent, beau raconteur d'histoires,
Dépeint tout un autre univers
Où des rivières peuvent boire
Le lac immense où je me perds.
Il parle de jours sans aurore,
D'étés qui ne finissent pas,
D'éruptions, que sais-je encore...
Je me moque de ce fatras.
" Une fois je pensai fort sage,
Sur son conseil, de réfléchir.
Malheur ! Je fis un marécage
Où les ouaouarons vont pourrir.
Il en émerge, d'aventure,
De jaunes et blancs nénuphars,
Mais c'est maussade et sans bordure.
À peine bon pour les canards.
" Plus bas il est poussé deux saules
Qui jasent le jour et la nuit
Dans un langage obscur et drôle,
Plein de sentences et d'ennui.
Ils interrogent les narcisses,
Les hiboux, le soleil levant
Et jusqu'à moi. Prompte, je glisse !
Ils ont trop écouté le vent.
" Malgré les notions diverses
Que m'offrent les temps et les lieux,
À suivre un but rien ne m'exerce
Excepté le ruisseau boueux.
Il m'exaspère, alors je tâche
De paver mon lit de cailloux
Afin que demeure sans tache
Le lac clair où je me dissous. "
Alphonse Beauregard
Photo : la Loire à
Devay
Rivers
How rivers gather beauty all the way!
Around their cradles mountains gloom and gleam;
Old mills beside their middle courses dream,
And wading kine, and willows silver-grey.
And where they tire at last of tilth and lea,
And feel the strange new pulsing of the tide,
Great quiet ships upon their bosom ride,
Or move mysterious to the waiting sea.
I find the largest prospect, clothed or bare,
Without the sheen of water to the sky,
Expressionless: a face without an eye,
A river makes a landscape everywhere!
Walter Wingate
Chanson de la Seine
La Seine a de la chance
Elle n'a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et elle sort de sa source
Tout doucement, sans bruit, sans sortir de son lit
Et sans se faire de mousse
Elle s'en va vers la mer
En passant par Paris.
La Seine a de la chance
Elle n'a pas de souci
Et quand elle se promène
Tout au long de ses quais
Avec sa belle robe verte
et ses lumières dorées
Notre-Dame jalouse, immobile et sévère
De haut de toutes ses pierres
La regarde de travers
Mais la Seine s'en balance
Elle n'a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et s'en va vers le Havre, et s'en va vers la mer
En passant comme un rêve
Au milieu des mystères
Des misères de Paris.
Jacques Prévert
Photo : L'Allier à Appremont
Goodbye to a River
The rains have come early, they say
We’re all gonna wash away
Well, that’s all right with me
If heaven’s torrent can wash clean
The arrogance that lies unseen
In the damage done since we have gone
Where we ought not to be
Goodbye to a river
Goodbye to a river
So long
Lakes and levees, dams and locks
They put that river in a box
It was running wild
And men must have control
We live our lives in starts and fits
We lose our wonder bit by bit
We condescend and in the end
We lose our very souls
Goodbye to a river
Goodbye to a river
So long
The dirty water washes down
Poisoning the common ground
Taking sins of farm and town
And bearing them away
The captains of industry
And their tools on the hill
They’re killing everything divine
What will I tell this child of mine
I make a church out of words
As the years dull my senses
And I try to hold on to the world that I knew
I struggle to cross generational fences
And the beauty that still remains
I can touch it through you
Goodbye to a river
Goodbye to a river
So long
Goodbye to a river
Goodbye to a river
So long
Don Henley
2009-03-16T11:33:00+01:00
Poèmes sur les fleuves et rivières
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