Grand merci à Livraddict et aux éditions Eclipses pour m’avoir permis de découvrir ce roman.
Oliver Peru est l’auteur qui a co-écrit avec Patrick McSpare le très bon premier tome des Hauts Conteurs (dont j’attends d’ailleurs le tome 2 avec la plus vive des impatiences). J’étais donc curieuse de lire le premier roman fantasy de cet auteur qui me semblait prometteur.
Druide raconte l’histoire d’une poignée de druides menés par Obrigan Yslain, de l’ordre des Loups, dont la mission consiste à enquêter sur des meurtres particulièrement horribles, perpétrés par des créatures aux yeux d’or qui semblent surnaturelles, événement qui risque fort de déclencher à nouveau une guerre entre les royaumes des hommes : d’un côté le Sonrygar sur lequel règne le bouillant roi Yllias et de l’autre le Rahimir, gouvernés par le vieux roi Tiriekson et son fils, le prince Jarekson. Ce dernier traîne une réputation de prince perfide et cruel, accentuée par un physique peu engageant.
Mais Obrigan et ses apprentis, Tobias et Kesher, épaulés par une jeune druide de l’ordre des Ombres, Arkantia, vont découvrir peu à peu que la menace qui pèse sur les Hommes n’est rien en comparaison du funeste sort qui attend le monde des druides… Mélancolie, tristesse et sentiment de découragement flottent entre les pages de ce livre.
Dans un lieu et à une époque indéterminés, la terre est donc le théâtre d’affrontements sanglants : les Hommes, comme d’habitude, avides de pouvoir, luttent pour la suprématie d’un royaume, mais ils doivent également affronter le Mal Absolu, tandis que les Druides (divisés en quatre Ordres : Loups, cerfs, Ombres et Corbeaux), habitants de la grande forêt, s’efforcent de garder une certaine neutralité. Le sacrifice de certains n'en sera que plus poignant.
La grande force du roman réside dans les personnages. Oliver Peru sait leur donner corps avec talent. On se prend immédiatement de sympathie pour la plupart des protagonistes, y compris pour ceux qui semblent le moins sympathiques comme Jarekson. L’auteur a choisi en effet d’alterner les points de vue et aucun des personnages n’est entièrement bon ou mauvais, point de manichéisme ici, les différentes personnalités se parent de nuances et d’ambiguités. Le héros est en proie au doute, peut être tenté de commettre un acte lâche, tandis que le supposé « méchant » est capable de bonnes actions.
Les descriptions de la forêt sont superbes, elles donnent envie d’aller se promener sous ses frondaisons. Malgré tout, j’ai un peu regretté le caractère passif des arbres. Chaque druide est en effet lié spirituellement à un arbre, ce qui est somme toute classique, mais aucune autre possibilité n’a été exploitée par l’auteur.
Les druides sont dotés de certains pouvoirs, comme celui de communiquer avec les animaux lorsque le besoin s’en fait ressentir et là encore, j’ai regretté que les interactions druides-animaux n’aient pas été développées davantage. Mais ce sont que de petits détails, guère gênants…
Pendant les deux tiers du roman, le lecteur suit Obrigan et ses apprentis dans leur quête pour retrouver les assassins de la citadelle, tandis que les révélations les plus étonnantes émaillent le récit. Le dernier tiers est presqu’uniquement consacré à la bataille qui oppose les druides, les hommes et les monstres aux yeux d‘or, appelés fils du Rôdeur. Ce Rôdeur, d’une certaine façon, est un archétype. Je n’évoquerai pas davantage Sauron, sinon on pourrait croire que je vois des références au Seigneur des Anneaux partout ! mais je pense également à certaines mythologies et aux contes celtes.
J’ai suivi la progression de cette quête-enquête avec beaucoup d’intérêt, de plaisir et d’angoisse. Le suspense est soigneusement entretenu, les rebondissements nombreux. Seule la dernière partie du roman m’a semblée un peu trop longue et Oliver Peru n’a pas pu éviter quelques répétitions : l’attente entre les attaques des monstres, les courses-poursuites et les vaines tentatives pour tuer des créatures qui semblent invincibles. Pour un premier roman, ce sont quelques faiblesses qu’on pardonne bien volontiers et qui ne gâchent pas le plaisir de la lecture.
Non, ce qui m’a finalement fort dérangée, ce sont les descriptions des meurtres. D’après ce que j’ai pu lire ici et là, Druide pourrait être classé en Dark Fantasy. Un genre où le pessimisme et les héros fatigués dominent. Jusque là, rien à dire. Mais l’aspect « horreur » en constitue également un des ingrédients. Une partie que je ne goûte guère. Ceci n’enlève rien à la qualité du roman, seulement les descriptions de corps sanguinolents, de tortures et de meurtres bestiaux provoquent en moi du dégoût plutôt que de délicieux frissons d’angoisse. Disons que ce n’est pas ce que je recherche en fantasy, et en tout cas, je préfère ce qui est suggéré.
Malgré ce bémol, je ne peux que féliciter Oliver Peru (au fait, c’est lui qui illustré la couverture) qui me semble bien parti pour se faire un (grand) nom en fantasy française.