Un sujet rarement exploité et très bien traité par un spécialiste italien de paléographie latine et
codicologie : l'inquisition au Mexique au XVIIe siècle. Cette époque n'est pas analysée sur toute sa durée mais à travers un personnage ayant vécu une période charnière, Guillen Lombardo
(1615-1659), qui a donné naissance à la légende de Zorro, et qui a inspiré Kipling pour "l'homme qui voulut être roi".
C'était un Irlandais qui, de son vrai nom, s'appelait William Lamport et qui se mit au service d'Olivares, éminence grise du roi d'Espagne Philippe
IV. Pour un aventurier jeune et idéaliste, et loin d'être inculte, le Nouveau Monde représentait une réelle opportunité. Le Mexique était alors une vice-royauté, gouvernée par un vice-roi cupide
et incompétent, qui pillait sans vergogne dans les caisses de l'Etat. La mission de Lombardo était donc d'espionner les agissements du vice-roi et d'en faire un rapport qui compromettrait le
personnage et provoquerait sa destitution. L'homme le plus influent du moment était l'évêque Palafox, dont les réformes et suggestions étaient fort impopulaires parmi la haute société de Mexico.
Les injustices étaient pourtant monnaie courante. Il existait un système de castes divisées en 25 catégories, dont la dernière se composait des Indiens et Noirs de sang pur. La corruption régnait
à tous les niveaux, les moeurs étaient très relâchées y compris au sein des ordres religieux, et surtout, le tribunal de l'inquisition était tout-puissant.
Alors que vient faire Lombardo dans cette histoire ? Il avait tout simplement monté un projet audacieux mais bien pensé : soulever les populations
indigènes, avec l'appui de Palafox, afin de faire cesser les injustices et leur donner un roi digne de ce nom. Il y avait tout de même 3 500 000 indiens pour 200 000 blancs. Parallèlement à son
travail d'espion, Lombardo, suivant en cela les traces de Las Casas, n'hésitait pas à prendre la défense des Indiens et à remettre en cause la souveraineté de l'Espagne sur le Nouveau Monde. Il
avait par ailleurs soutenu Palafox que l'Inquisition commençait à regarder de travers. C'était un jeu dangereux et l'Inquisition ne tarda pas à s'intéresser à lui. Arrêté et emprisonné avant
d'avoir pu mener à bien son projet, Lombardo servit de bouc émissaire. Comme toujours en politique, les alliances faites et défaites, les vrais-faux amis, les trahisons, les revirements
ponctuèrent son séjour dans les geôles insalubres de Mexico où il subit de mauvais traitements et même des tentatives d'assassinat. Il fut l'un de ces rois de l'hiver, comme les appelaient les
espagnols, un roi éphémère, incarné par ces mannequins de paille que l'on brûlait au terme de la saison.
Ce livre passionnant donne une vision très juste des pratiques de l'Inquisition et a le mérite de rappeler que malgré les prises de positions de
grands humanistes, et de Las Casas en particulier, les indiens eurent encore à souffrir pendant une longue période des agissements des colonisateurs (meurtres, tortures, acculturation...). Les
rites païens célébrés par les populations indigènes étaient assimilés à la sorcellerie, pratique qui conduisait généralement au bûcher. L'Eglise catholique a fait bien des ravages...
Cette histoire n'a pas manqué de me faire penser à l'une de mes récentes lectures, Spartacus, et ces deux destinées ont bien des points communs, et
j'ai également pensé à quelques passages du très beau film de Roland Joffé : "Mission". A la fin de son livre, Troncarelli ajoute : "Après tant de siècles, à travers tant de métamorphoses, de
morts et de résurrections, l'homme qui voulait devenir roi est encore vivant dans le souvenir des hommes. Dans la sentence de mort de l'Irlandais il était écrit que celui-ci devait être brûlé
"afin que (...) nul n'en garde le souvenir". Le temps qui est juste, a prononcé depuis longtemps son verdict sur cette sentence".
Pour finir, il suffit de savoir que les révoltes indiennes, soutenues par le souvenir de Lombardo, éclatèrent bien des années après sa mort. C'est
sa légende qui permit ce changement et alimenta cette force grandissante. Quelques auteurs du XIXe s'emparèrent de son histoire, jusqu'à ce que Johnston McCulley le transforme en justicier
solitaire, ce Zorro qui fait partie de la mémoire collective. Une belle revanche.
2010-04-04T08:07:00+02:00
Guillem Lombardo le rebelle (Fabio Troncarelli)
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commentaires
Mélopée 06/04/2010 13:49
Folfaerie 06/04/2010 16:40
Anne Sophie 04/04/2010 14:18
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El JC 04/04/2010 11:08
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Folfaerie 04/04/2010 11:31