Dans un hospice où il fait régner la terreur, un
vieillard plus que centenaire, bougon et teigneux, accepte enfin de raconter ses mémoires et de livrer sa propre version de l’Ouest mythique de la seconde moitié du XIXème siècle, époque
charnière et d’une violence inouïe, à M. Snell, collectionneur d’objets indiens.
Ainsi commence le meilleur roman jamais écrit sur les relations blancs-Indiens. Loin de nous rappeler la vision romantique du « bon sauvage » de
Danse avec les loups, Little Big Man nous raconte les 34 premières années d’un drôle de lascar : Jack Crabb.
Alors qu’il est âgé de dix ans et qu’il traverse les plaines en chariot avec sa famille, son père est abattu par une bande de Cheyennes totalement
ivres. En guise de compensation, le jeune Jack est adopté par le chef Vieille-Cabane, et grandit, libre et heureux, au sein de la tribu où il ne tarde pas à gagner le respect de ses compagnons et
son surnom de Little Big Man. Quelques années plus tard, il est récupéré par la cavalerie à l’occasion d’un raid, et est confié à un couple dont l’homme est pasteur. Jack va découvrir la notion
de péché, la maladie, les compromis et les mensonges, toutes choses étrangères aux Cheyennes. Il se découvrira également des ambitions et le goût de l’argent. Sa vie va alors s’écouler entre ces
deux mondes, en un perpétuel va et vient. Il gagne et perd fortune, se marie plusieurs fois mais perd femmes et enfants, participe à plusieurs batailles, dans le camp des Blancs ou celui des
Cheyennes, au gré des circonstances, rencontre les légendes de l’Ouest telles que Wild Bill Hickock, Calamity Jane et Wyatt Earp (qu’il prend d’ailleurs plaisir à faire tomber de leur piédestal),
et enfin, prend part à la célèbre bataille de Little Big Horn, dont il est le seul survivant blanc, bien qu’oublié par les historiens…
Ses observations sur ces mondes totalement opposés sont toujours réjouissantes et la plupart du temps hilarantes, mais sous l’humour décapant perce
l’ironie amère et une analyse très juste des rapports blancs-indiens. Et Jack, malgré ses lâchetés, son égoïsme, ses hésitations, finira par choisir son camp et sa famille.
Bien des romans ont tenté d’expliquer le fossé qui séparait ces deux cultures, ont tenté de brosser un portrait de l’âme indienne, mais aucun n’a
réussi à faire comprendre aussi bien au lecteur le mécanisme de la pensée indienne et le mode de vie des grandes tribus, vouées à disparaître. Car le sage Vieille-Cabane a fini par comprendre que
les Crows ne sont pas ses vrais ennemis et qu’il vaux mieux lutter contre les Blancs, mais la perspective de changer de mode de vie, de faire la « guerre » pour de vrai, à la manière des blancs,
n’a aucun sens. A quoi bon vivre sur une terre où on ne peut respecter ses ennemis et compter seulement « des coups » ?
C’est avant tout une formidable leçon de tolérance, et les réflexions désopilantes de Jack lors des ses fréquents passages dans la tribu valent les
plus éloquents discours contre le racisme…
Malgré leurs défauts, et malgré quelquefois les a priori de notre anti-héros, jamais les Indiens ne sont apparentés à ces primitifs cruels et avides
de sang, incapables de réfléchir. Au contraire, les travers les plus odieux, la perversité et la cruauté sont presque uniquement constatés chez les blancs, au grand désarroi de Jack Crabb qui ne
sait plus vraiment à quel monde il appartient.
Arthur Penn en a tiré un très bon film avec Dustin Hoffmann, mais si bon soit-il, il ne vaut pas ce truculent roman, qui touche au coeur, et qui
émeut sans jamais cesser de faire rire. Si vous ne devez lire qu’un seul roman sur les Amérindiens, alors choisissez celui-là...
Allez lire l'avis de Grand Sachem.
2010-03-10T09:30:00+01:00
Little Big man (Thomas Berger)
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commentaires
Anneso 10/03/2010 14:26
Folfaerie 10/03/2010 14:54
Véro 10/03/2010 14:20
Folfaerie 10/03/2010 14:52
Pauline 10/03/2010 12:54
Folfaerie 10/03/2010 14:52
Grand-Sachem 10/03/2010 12:47
Folfaerie 10/03/2010 14:50