Fils spirituel de Thoreau et Walt Whitman,
quoique beaucoup plus turbulent, admirateur de B Traven, Edward Abbey fut l’un des plus grands écologistes américains, et un excellent auteur qui plus est, à qui l’on doit ce chef-d’oeuvre,
bible de nombreux écologistes et amoureux du désert.
Accessoirement misanthrope et irrémédiablement athée, prônant la désobéissance civile, Abbey n’avait qu’une religion : la Nature. Il découvrit très jeune celle, grandiose, de son pays, et très vite son amour et son respect du sauvage prirent le pas sur d’ordinaires considérations sur la nature humaine. C’est que Abbey, né au pays du pétrole et des gratte-ciels, a pu observer, et se frotter tout au long de sa vie à cette curieuse créature qu’est l’homos sapiens americanus, et se trouver ainsi pour une bonne part dégoûté de la société humaine.
En avance sur son temps, cet amoureux du désert prophétisait déjà la lente agonie des parcs nationaux américains en raison de cette obsession si particulière du touriste moyen américain, appuyé en cela par l’administration, de vouloir profiter de la nature sans faire d’efforts et sans changer son mode de vie habituel. Bienvenue aux routes goudronnées, aux parkings géants, aux aménagements urbains pour pouvoir accéder aux moindres recoins d’un parc naturel sans descendre, si possible, de son auto... Dans l’un des chapitres, Abbey propose donc sa solution à ce délicat problème, sa vision radicale du tourisme vert est à son image, folle mais séduisante.
Ecrivain de l’Ouest donc, personnalité plutôt rude, et contestataire certes, mais aussi poète passionné lorsqu’il se met à chanter les beautés du désert. C’est à la fin des années 50 qu’Edward Abbey découvre le parc national des Arches dans l’Utah où il fut employé quelques temps comme garde. Il y revint 10 ans plus tard pour constater les changements survenus, dus aux aménagements et à l’exploitation irréfléchie de ce trésor et clore ainsi le dernier chapitre. Riche de cette expérience, Abbey nous livre ce qui est certainement l’un des plus beaux ouvrages sur le désert. L’arrivée d’un orage, la contemplation émerveillée d’un genévrier qui résiste à l’infernale chaleur, la cohabitation avec les serpents, la recherche de précieux points d’eau, un monolithe de grès... tout est prétexte à redécouvrir les éléments sous l’angle du surnaturel et de l’inattendu, de se rassasier de la beauté dépouillée des canyons, bref, de réaliser qu’il existe un monde de merveilles beaucoup plus profond, plus grand et plus vieux que le monde des hommes, et que certains, parfois, ont la chance de pouvoir déceler.