Parce qu’il a eu, lui aussi, une jeunesse un peu difficile, le journaliste Jon Krakauer s’est attaché à reconstituer le parcours du jeune
Chris McCandless, cet étudiant américain qui avait choisi de fuir la société pour vivre l’aventure en Alaska, où il trouva une mort tragique.
Alors, disons-le tout de suite, si notre société vous dégoûte, si vous cauchemardez à cause de la mondialisation, si votre job est une routine sans fin (ou si vous n’en avez pas ! ) ou si la vie de famille vous pèse, ne liez-pas ce bouquin, vous pourriez avoir envie de tout laisser tomber et de partir sac au dos…
Chris était jeune, brillant, intelligent et sensible. C’était un idéaliste à la fois généreux et très égoïste, qui voulait fuir une société qu’il ne comprenait plus, et plutôt que de se laisser étouffer, il a choisi d’aller respirer le parfum de la liberté et de l’aventure.
Pour ça, il n’y a pas 36 000 manières : il suffit de partir, de tout laisser derrière soi, les amis, la famille et les biens matériels. Très influencé par ses lectures, notamment Jack London, Thoreau, Tolstoï, Chris a choisi l’Alaska pour y tenter l’ultime expérience.
A l’aide des témoignages, des courriers et morceaux de son journal intime, Krakauer retrace l’itinéraire de Chris, raconte ses amitiés éphémères, les jours de doute et de fatigue à faire du stop, les dangers évités de peu et l’arrivée dans cette nature rude et sauvage où Chris souhaitait se retrouver, cette destination mythique, l’Alaska, symbole du wilderness.
Mal préparé, un peu insouciant ou trop confiant en ses capacités, le jeune homme doit subir la rude loi de la nature et l’épreuve tourne au cauchemar.
Lorsque Krakauer rédigea son article, beaucoup de lecteurs écrivirent au journal, essentiellement pour condamner l’inconscience du jeune homme et souligner à quel point il était stupide. Mais le journaliste ne partageait pas cet avis et cherchant à tout prix une explication, il eut l’idée du livre. Au fil des pages, de la reconstitution de ce puzzle, on finit par réfuter cette image d’un jeune gars stupide. Chris McCandless n’était ni fou ni suicidaire. Se dessine au contraire le portrait d’un jeune homme attachant, libre et désireux de s’affranchir de certaines règles. Et finalement, plutôt que d’envisager cette histoire comme un gâchis, je me suis dit que c’était plutôt un beau parcours, celui d’un homme qui avait trouvé le courage nécessaire pour vivre son idéal. Il est impossible de ne pas songer à sa propre existence quand on lit l’histoire de Chris. Cela nous renvoie à nos propres choix, nos décisions, notre lucidité et même notre courage.
J’ai découvert le livre après avoir vu ce que je considère comme le plus beau film de Sean Penn. Un film clair, limpide et vivifiant à l’image des paysages de l’Alaska. Contrairement au journaliste, Sean Penn ne cherche pas à comprendre et encore moins à juger le personnage de Chris. Il se contente de le suivre dans ses pérégrinations. Les images sont sublimes, beaucoup de scènes sont magnifiques, notamment celle où Chris marche sur le tronc des arbres, lorsqu’il rencontre les chevaux, quand il se tient au sommet de cette colline, bras écartés… Comment ne pas être émue quand la caméra s’attarde sur le beau visage triste du vieux monsieur qui veut l’adopter (magnifique Hal Holbrook), comment ne pas avoir le cœur serré lorsque Chris comprend qu’il se retrouve prisonnier de cette nature, que les forces commencent à lui manquer. Le jeune acteur, Emile Hirsh, est tout simplement formidable. Je l’ai vu il y a un moment déjà, et certaines images me sont restées en mémoire… du grand Sean Penn.
Livre et film sont donc complémentaires. J'avoue une préférence pour le film car Krakauer n'est pas un romancier, ce n'est pas son oeuvre qui suscite l'émotion, mais bien son sujet. En tout cas, ils ont eu le mérite de faire connaître une de ces figures d’homme que l’on regrette de ne pas avoir croisé. Je conseille, cela va sans dire…