"Victor, mauvais sort, que fais-tu dehors ?".
Cette phrase énigmatique, agace le commissaire Adamsberg. Débarqué depuis 15 jours à peine dans son nouveau commissariat à Paris, il se laisse envahir par cette curieuse affaire de cercles tracés à la craie bleue dans les rues de la capitale. Rien de bien méchant. Un type encercle un objet trouvé. Cela peut être n'importe quoi. Un bigoudi, un tournevis, une pièce.
L'inspecteur Danglard ne comprend pas l'obsession d'Adambsberg, il la désapprouve. Même après l'histoire du gros chien baveux.
Mais voilà, Adamsberg en est certain. C'est la cruauté qui suinte dans ces cercles.
"Mais au bout de onze jours, ses collègues ne s'approchaient toujours pas de lui sans l'expression d'hommes se demandant à quelle nouvelle espèce du monde vivant ils ont affaire, et comment on la nourrit, et comment on lui parle , et comment on la distrait, et comment on l'interesse."
Evidemment, les événements lui donnent raison, et des objets, on passe à des cadavres d'animaux puis des cadavres humains. L'homme aux cercles ne plaisante plus.
Comme toujours dans les romans de Fred Vargas, mon commissaire préféré va faire la connaissance de personnages hauts en couleurs et inoubliables, dont Mathilde, l'océanographe qui a de biens étranges hobbies, le bel aveugle Charles Reyer, teigneux comme tout, la vieille Clémence qui passe son temps à chercher l'âme soeur dans les petites annonces...
L'écriture de Fred Vargas est toujours un régal, elle promène son lecteur entre humour, poésie et ambiances macabres, créant des personnages improbables qui transforment des faits banals, des intrigues classiques en événements hors du commun. Elle est la reine des dialogues, les échanges entre le commissaire et Danglard en témoignent, leurs joutes verbales sont savoureuses. Lui, intuitif, un peu égaré, sans cesse occupé à griffonner ou dessiner, mais que sa légèreté rend solide, l'autre, logique et cartésien, fragile pourtant, noyant dans le vin blanc ses états d'âme.
Je retiendrai un passage en particulier, à la fois surréaliste et tellement authentique, qui résume bien
l'atmosphère du roman. Tous les flics sont dans la forêt, ils viennent de creuser et de mettre à jour un cadavre. L'un d'eux observe depuis un moment les oiseaux.
- Le merle a trouvé un cadeau pour la merlette, dit Castreau. C’est un petit bout d’aluminium.
- Ça t’intéresse pas ce qu’on dit ? demanda Danglard.
- Si mais je veux pas avoir l’air de trop écouter, j’aurais l’impression d’être un imbécile. Vous ne m’avez pas observé mais j’ai tout de même réfléchi à cette affaire. […]
- Allons bon dit Castreau, voilà un deuxième merle qui rapplique à présent. Qu’est-ce qu’il espère ? La merlette le regarde. Ça va être la guerre. Merde. Quelle vie, bon sang, quelle vie !
Voilà, moi j'adore et je compte bien poursuivre sur ma lancée !