L'intrigue de ce roman n'a rien de bien original : un mort non identifié sur fond de trafic de drogue. Mais voilà, cela se passe en
réserve indienne (en territoire Hopi) et le flic chargé de l'enquête, Jim Chee, appartient à la police tribale Navajo.
Avec une grande érudition, Hillerman en profite pour nous distiller des informations sur le fonctionnement
des réserves, sur les différences culturelles et religieuses entre les deux tribus, et surtout, nous révèle que le gouvernement américain a déplacé des familles entières de Navajos pour y
installer des Hopis, ce qui fut la source de bien des conflits. Un pan de l'histoire contemporaine de ces tribus qui n'est que rarement évoqué.
Je me souviens n'avoir guère apprécié un roman de James Doss, La rivière des âmes perdues, justement parce
que cet auteur utilisait les légendes indiennes comme ingrédient folklorique de l'enquête. Chez Hillerman, au contraire, on apprend à connaître la spiritualité indienne, mais son héros, Jim Chee,
résout l'enquête grâce à son bon sens et à ses qualités, et non parce des "esprits" l'ont aidé.
J'aime donc beaucoup Tony Hillerman, son style (il y a un peu du poète en lui) et son érudition, et j'ai
d'ailleurs fini par m'attacher à Jim Chee au fil des années. Je conseille donc ce polar à tous ceux que la culture amérindienne captive. A noter qu'un film (produit par Robert Redford) a été tiré
de ce livre, il y a quelques années, avec l'excellent Lou Diamond Phillips, et Gary Farmer.
Traduction : Danièle et Pierre Bondil.
"Tandis que Chee l'évaluait, il entendit le grondement du tonnerre. Un seul nuage ne pouvait mettre un terme à la sécheresse mais il en faut un pour commencer. Pour un millier de bergers navajos disséminés sur cet immense plateau desséché, ce nuage signifiait l'espoir que la pluie, que les arroyos remplis d'eau, et que l'herbe nouvelle seraient à nouveau des éléments de l'hozro de leur vie. Pour les Hopis, la pluie signifierait plus encore. Elle signifierait l'adhésion du surnaturel. Les Hopis avaient appelé les nuages, et les nuages étaient venus. Cela signifierait qu'après une année marquée par le fléau de la poussière, les choses étaient redevenues normales entre le Peuple Paisible des Mesas Hopis et les esprits kachinas."