Même si je l'ai lu il y a longtemps, je tenais absolument à présenter l'un de mes Harrison préférés sur mon
blog... Le recueil se compose de trois longues nouvelles ou trois courts romans
c’est au choix. Il y est question de doutes et de choix, de vengeance et de rédemption, de destin et de liberté.
Une vengeance raconte l’histoire d’un homme nommé Cochran, qui après avoir été trouvé dans le désert, au seuil de la mort, puis soigné, est déterminé à retourner dans son passé pour retrouver la femme qu’il aime, Mireya, à la fois source de bonheur et cause de ses malheurs. Le récit part d’une banale histoire d’amour, une histoire d’adultère, pour se transformer rapidement en quête passionnée, en vengeance. C’est qu’on ne badine pas avec l’honneur au Mexique, surtout quand la femme en question est l’épouse d’un riche trafiquant, Tibey, accessoirement l’ami de Cochran… Ce n'est ni plus ni moins qu'une tragédie Grecque à la sauce mexicaine.
Que dire ? C’est un récit qui interpelle et prend aux tripes. En quelques courtes descriptions, Harrison dresse un portrait fouillé des trois principaux personnages et bien que l’on suive la vengeance de Cochran, on peut pas en faire un héros. Pourtant, c'est l'amour qui guide le comportement de Cochran, ce qui est assez paradoxal compte tenu de la violence qu'il déploie. De quoi serions-nous capables par amour ? Et est-ce qu'assouvir une vengeance nous aide à nous sentir mieux ?
A noter qu'une adaptation ciné est disponible. Le film de Tony Scott réunissait Kevin Costner, Antony Quinn et Madeleine Stowe. Pas mauvais mais il n'atteint pas l'intensité de la nouvelle.
Le second récit, L’homme qui abandonna son nom, est un thème récurrent chez Harrison. Après 10 ans de mariage, Nordstrom divorce et fait le point sur sa vie. Cet événement subit par lui devient le point de départ d’une sorte de crise de la quarantaine au cours de laquelle l’homme va peu à peu se remettre en question. La manière qu’il a de régler certains problèmes (la bonne chère et les parties de jambes en l’air) sont autant de moyens de dévier du chemin tout tracé qu'il s'était fixé, de quitter enfin ces habitudes qui jalonnaient sa vie. Au bout peut-être, une autre vie et la liberté enfin ?
C’est la nouvelle que j’aime le moins, je l'avoue, mais je suppose que Nordstrom représente pour Harrison l'homme que l'on est au quotidien.
Le troisième récit donne son titre au recueil, c’est l’un des chef-d’œuvres de l'écrivain. C’est une histoire que je n’ai jamais oubliée, et un personnage qui me hante encore, Tristan Ludlow.
Par touches saccadées, avec des allers-retours dans le passé, Harrison brosse le portrait de la famille Ludlow, dont les trois fils, Alfred, sérieux et réfléchi, Tristan, indomptable et impulsif et Samuel, l'érudit, le sensible qui aime la poésie et la botanique, partent s’engager aux côtés des Anglais lors de la Première Guerre Mondiale. Samuel, le préféré de la famille, est tué en Europe. Commence alors pour Tristan une longue errance ponctuée de tragégies, de sacrifices, entrecoupée de moments de paix et de bonheur. Car tout en aimant profondément sa famille, Tristan est bien décidé à mener sa vie au mépris des lois et des conventions. C'est un homme libre, comme on en rencontre qu'en littérature. Pas de demi-mesure, pas de tiédeur, il aime, il hait, et sa vengeance sera complète. Tristan est à la fois le protecteur de sa famille et celui par qui le malheur arrive. Au bout, une vie pleinement vécue et tellement riche.
C'est très difficile pour moi de restituer l'émotion ressentie à la lecture de ces nouvelles. Les sujets en sont forts, portés par l'écriture puissante de Jim Harrison qui a l'art de créer des personnages plus vrais que nature et qui deviennent aussi réels que les gens que l'on croise ou que l'on connait. J'ai eu le même sentiment avec Dalva.
De Légendes d'automne, Edward Zwyck en a tiré un bon film. Mon impression était mitigée la première fois que je l'ai vu car il n'atteint pas en intensité la nouvelle de l'écrivain, mais au fil des années et des visionnages j'ai appris à l'aimer.
A noter : le traducteur de cette édition est Serge Lentz, l'auteur des Années sandwiches dont on avait tiré ce si joli film. Le reste des oeuvres de Harrison est traduit par Brice Matthieussent.