C'est à Saint-Louis que se rencontrent, que dis-je, que se téléscopent, deux individus exceptionnels : Walt, 9 ans, le
gamin des rues, cousin éloigné certainement de Huck Finn et David Copperfield, et le vieux Yehudi, homme hors du commun et quelque peu magicien. Leur destin est scellé à jamais.
Cela se passe dans les années 20, l’Amérique possède encore l’esprit pionnier, mais suinte aussi la misère et le racisme. Tout y est encore possible, tout y est encore violent.
Maître Yehudi s’est mis en tête de faire voler l’enfant, voler comme les oiseaux. Cette faculté, Walt le révolté finira par l’acquérir au prix d’un apprentissage douloureux. Cheminant dans l’Amérique profonde, ce curieux tandem va côtoyer l’ignorance, la bêtise et la cruauté de leurs concitoyens, le KKK, la pègre, les bouseux de la campagne (de ceux qu’on aimerait éviter de croiser…), l’oncle de Walt, cupide et borné (qui m’a évoqué la relation entre Huck Finn et son père). Walt et Yehudi deviennent riches et célèbres. Pas pour longtemps cependant, cet état de grâce ayant des effets secondaires dévastateurs.
La vie de Walt se déroule à une époque charnière, ponctuée de drames, de revers, de coups de chance. Le roman se découpe en deux parties, l’avant et l’après Yehudi. Il louche du côté de Dickens, de John Irving (auquel j’ai beaucoup pensé) et surprend quelque peu dans l’œuvre de Paul Auster.
A quelques détails près, ce roman a failli être un coup de cœur. C’est à coup sûr un récit original qu’on ne peut oublier avant longtemps. Une histoire de solitude et de rédemption, un roman d’apprentissage aussi, qui nous permet de saisir l’Amérique à une époque donnée (peu reluisante, guère attirante à mes yeux). Donc une excellente découverte.
« On ne fait plus d'hommes comme maître Yehudi, et on ne fait plus non plus de gamins comme moi : stupides, susceptibles, cabochards. Nous vivions autrefois dans un monde différent, et ce que le maître et moi avons fait ensemble ne serait plus possible de nos jours. Les gens ne le toléreraient pas. Ils appelleraient les flics, ils écriraient à leur député, ils consulteraient leur médecin de famille. Nous ne sommes plus aussi coriaces que nous l'étions, et peut-être le monde est-il devenu plus habitable, je ne sais pas. Mais je sais qu'on n'a rien pour rien, et que plus ce qu'on désire est grand, plus il faut payer pour l'avoir. »
Traduction : Christine Le Boeuf
D'autres avis sur Lecture Ecriture, Babelio.
source de l'image : http://www.americanhistoryusa.com/great-farm-depression-1920s/