Et voilà un classique américain comme je les aime ! Grand merci à Blog O Book et aux éditions du Serpent à plumes pour ce
partenariat.
Les premières lignes donnent le ton :
" Les gens ne croient pas qu'une fille de quatorze ans puisse quitter sa maison pour aller venger la mort
de son père en plein hiver. Cela ne semblait pas si étrange, alors, mais j'admets que cela n'arrivait pas tous les jours. Je venais juste de fêter mon anniversaire lorsqu'un lâche du nom de Tom
Chaney abattit mon père à Fort Smith, en Arkansas. En plus de sa vie, il lui vola son cheval, cent cinquante dollars en liquide, et deux pièces d'or frappées en Californie qu'il gardait dans la
doublure de sa ceinture de toile."
Nous voilà embarqués au Far-West, juste avant que celui-ci ne disparaisse, avalé par la civilisation...
Mattie est une jeune fille qui ne s'en laisse pas conter. Déterminée à venger la mort de son père, elle engage un dur à cuire, Rooster Cogburn parce qu'on lui a dit qu'il est le plus vicieux.
Cogburn est de la vieille école : même borgne et porté sur la bouteille, c'est un marshall redoutable qui n'hésite pas à abattre un hors la loi s'il ne peut le ramener vivant pour un procès.
Cependant, la jeune Mattie est plus coriace que lui : déterminée, têtue, ayant toujours le dernier mot, de l'endurance et du courage à revendre. Notre improbable duo sera rejoint par un
jeune Texas Ranger, Laboeuf, lui aussi désireux d'empocher la prime. Nos justiciers sont évidemment bien mal assortis et les escarmouches et prises de bec seront nombreuses et l'occasion de
scènes très drôles. Voyant qu'ils ne parviennent pas à semer la gamine, les deux hommes s'accomoderont donc de sa présence. La traque entraîne les cavaliers en territoire indien : il fait froid,
les chevauchées sont longues et épuisantes, l'essentiel des repas se résume à des boulettes de maïs dures à croquer et les dangers sont nombreux. Comme dans tout western qui se respecte, le
lecteur aura droit à son lot d'embuscades, de cavalcades, de coups de feu. Mais il y a plus que ça. Un sentiment de nostalgie et de regret flotte sur le roman. Il se situe à une époque charnière.
Bien que Mattie décide de ramener le meurtrier de son père, le temps appartient déjà aux juges et aux avocats. La fin du roman est finalement assez poignante, elle révèle ce que sont devenus les
protagonistes de cette histoire. Je n'ai pu m'empêcher de songer au début de Little Big Man ou à la fin du Sang des Dalton.
J'ai beaucoup aimé la traduction de ce roman : sous une apparente simplicité se cache une
écriture redoutablement efficace et puissamment évocatrice : en compagnie de Mattie et Rooster, le lecteur peut sentir la poussière des pistes cavalières, l'odeur des chevaux et de la poudre et
puis surtout, en quelques mots l'auteur parvient à nous donner une impression précise de cette époque mythique : Cogburn, vétéran de la guerre de Sécession incarne l'homme de l'Ouest destiné à
disparaître, le dernier des cow-boys tandis que Mattie représente la nouvelle génération des hanbitants de ces contrées, moderne et pragmatique.
Pourquoi j'ai choisi ce roman ? Charles Portis a écrit True Grit en 1968. Il est
aujourd'hui considéré comme un classique. Je ne connaissais que l'adaptation d'Henry Hattaway avec John Wayne, sortie en 1969 sous le titre 100 dollars pour un sherif, un western qui a
compté dans ma vie de cinéphile. Les éditions du Serpent à plumes ont eu la riche idée de traduire le roman en raison de la sortie en février du remake des frères Cohen. Je leur souhaite
beaucoup de succès, pour que vive le western...